Un comité de suivi vient d’être lancé par la ministre du Logement. Débat avec Stéphane Peu, responsable Logement au PCF, Yankel Fijalkow, professeur à l’École nationale supérieure d'architecture, Jean-Pierre Lévy, directeur de recherche CNRS et Catherine Jacquot, présidente du Conseil national de l'ordre des architectes.
- Le logement doit être déclaré grande cause nationale.
Par Stéphane Peu, président de l'office HLM Plaine Commune habitat et responsable logement du PCF.
Inscrit dans le « Contrat social pour une nouvelle politique du logement » de la Fondation Abbé-Pierre et signé par François Hollande alors candidat à l’élection présidentielle, le chiffre de 500 000 logements n’est pas le fruit du hasard. Il doit, s’il est atteint, permettre d’apporter une réponse concrète et efficace à la pénurie de logements qui frappe durement notre pays. Malheureusement, nous sommes encore bien loin du compte. 2013 aura été une année catastrophique en matière de production de logements, avec un triste record : celui du plus faible nombre de logements construits dans le pays depuis cinquante ans. Fort heureusement, des solutions existent. Et les organismes HLM (habitation à loyer modéré), garants d’un logement généraliste et bon marché, sont mobilisés pour produire davantage. Mais pour atteindre cet objectif, le gouvernement doit agir maintenant en prenant les mesures qui s’imposent, des décisions politiques fortes.
Premièrement, le doublement des aides à la pierre – figurant dans le programme du candidat Hollande – doit être réalisé sans plus attendre. Deuxièmement, il faut s’appuyer sur l’épargne populaire (Livret A), la Caisse des dépôts et consignations (CDC) doit, dès à présent, offrir des conditions financières plus avantageuses aux organismes HLM en allongeant, par exemple, la durée de ses prêts et leurs bonifications. Troisièmement, si des mesures positives ont été prises comme le décret Duflot sur la décote du foncier de l’État, les résultats se font attendre. En Seine-Saint-Denis, par exemple, aucun projet n’a vu le jour et les blocages permanents de l’administration risquent à terme de décourager les acteurs locaux. Quatrièmement, l’accumulation de normes contraignantes est également un frein à la construction de logements, leur simplification est donc nécessaire. L’ordre national des architectes foisonne de bonnes idées sur le sujet.
Il s’agit là de quatre propositions concrètes visant à amorcer la relance de la production de logements qui peuvent être prises sans délai. La politique du logement a besoin d’une relance par l’initiative publique. Il serait dangereux de faire du marché l’alpha et l’oméga de notre politique du logement et ainsi ouvrir la porte à toutes les dérives spéculatives qu’autorise aujourd’hui notre économie financiarisée. Tous les pays qui ont fait une confiance aveugle au marché sont en crise aujourd’hui : les États-Unis, l’Espagne, le Portugal, la Grèce...
Le logement n’est pas une marchandise. À l’instar de la santé ou de l’éducation, il s’agit à la fois d’un droit et d’un bien de première nécessité. Les politiques fiscales, financières et l’engagement de la nation doivent en tirer toutes les conséquences. Le logement doit donc sans plus attendre être déclaré grande cause nationale et être aidé comme il se doit. La relance économique passera aussi par le monde HLM et le secteur du bâtiment, grand pourvoyeur d’emplois non délocalisables, et donc, moteur d’une croissance retrouvée. Deux ans après l’arrivée de François Hollande à l’Élysée, il est temps de passer des paroles aux actes. Il sera bientôt trop tard et ce quinquennat n’aura alors fait qu’aggraver encore un peu plus la pénurie de logements dans notre pays.
- L’offre et le mal-logement ne sont pas forcément liés.
Par Yankel Fijalkow, professeur à l'Ecole nationale supérieure d'architecture, Jean-Pierre Lévy, directeur de recherche CNRS, centre de recherche sur l'habitat, UMR LAVUE.
Le constat est largement partagé.
Le système actuel du logement est à bout de souffle, incapable de résoudre à la fois la crise du logement locatif et le mal-logement. Depuis des années, les débats sur la question du logement oscillent entre la gestion par l’offre (construction et soutien économique) et la gestion sociale (mal-logement, mixité sociale). La seconde permet souvent de justifier la première. Pourtant, les deux problèmes ne sont pas forcément liés et la construction – fût-elle de 500 000 logements par an, dont 150 000 sociaux d’ici à 2017 – n’a que peu d’impact sur l’accès au marché immobilier des plus pauvres.
Le système du logement est organisé en filières résidentielles très cloisonnées dans lesquelles les mal-logés se maintiennent ou se renouvellent dans les fractions les plus insalubres du parc immobilier, dont ils sont d’ailleurs souvent rejetés sous les effets de la spéculation immobilière. Par ailleurs, les conditions des marchés
locaux agissent sur les formes d’occupation du parc résidentiel. Un logement social n’est pas partout un « logement de pauvre ». L’objectif de 25 % de logements sociaux par commune, ou la volonté de produire des logements locatifs en dessous de la moyenne du prix immobilier des zones tendues (loi Duflot), vise davantage la régulation du marché locatif en faveur des couches mo yennes que la résolution du mal-logement.
Le nombre de logements construits chaque année correspond globalement à celui des nouveaux ménages entrant sur le marché et agit comme une variable d’ajustement. En outre, la part des logements locatifs est très faible dans la croissance annuelle du parc immobilier et les logements en accession à la propriété en absorbent les trois quarts. Ceci explique les tensions sur le marché locatif, les exigences des bailleurs et la hausse des loyers. Dans un souci d’équité sociale, ce panorama entre en complète inadéquation avec l’évolution d’une société de plus en plus précarisée et fragilisée. Il montre surtout que la crise du logement n’est pas quantitative, mais qualitative. Elle est provoquée par un écart de plus en plus important entre la catégorie des logements offerts et la demande des jeunes ménages et des catégories populaires.
Dans ce cadre, il nous semble nécessaire d’appeler à une refonte en profondeur du système. Aujourd’hui, celui-ci ne repose que sur la construction neuve ignorant totalement le parc existant dans lequel se libère deux à trois millions de logements chaque année. Or, il est tout à fait envisageable de mobiliser, à côté des logements sociaux pérennes déterminés par leur financement (ceux que nous connaissons aujourd’hui), cette offre produite par les déménagements afin de créer des logements sociaux temporaires au statut déterminé par leur occupation.
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